TRIBOULET : fou de Charles XII et François 1er

Triboulet le Févrial ou Le Feurail Fou du roi François 1er

Nicolas Ferrial, dit Le Févrial, alias Triboulet, né à Blois en 1479, mort en 1536.

TRIBOULET (Foix-lès-Blois 1479)

Musée: Chantilly, Musée Condé
Fonds: Dessins
Titre: Triboulet, fou de Louis XII et de François 1er
Artiste: Clouet Jean (1475/1485-1540), Jehannet (dit)
Période: 16e siècle, époque François Ier
Date: 1545
Technique: crayon noir ; sanguine

Triboulet, paysan de son état, s'appelle en fait Nicolas Févrial ou Le Feurail et vit près du château de Blois.
Il est souvent chahuté par les enfants de son hameau.
Il faut dire qu'il est pourvu de longues oreilles, avec de gros yeux et un petit front.

Louis XII le prend à son service.
Il tente de lui faire inculquer, en vain, les bonnes manières de la Cour.
Louis XII en fera le fou du roi.
Il est alors coiffé de sa marotte - bonnet de plusieurs couleurs avec des grelots - comme un roi de sa couronne.

Jean Marot le dépeint comme un être caricatural : "Aussi sage à trente ans que le jour de sa naissance".
Petit front et gros yeux, voûté comme un vieil homme, le dos aplati comme ceux qui ont trop porté de hottes, l'estomac raplapla".
Mais Triboulet sait se moquer des gens sans déclencher leur colère, tel nos imitateurs et humoristes d'aujourd'hui.

Inattaquable par sa position de fou du roi, il déclenche plutôt souvent leur sourire.
C'est cette malice et cette habilité qui ressort du portrait de Chantilly.
Triboulet n'est plus "cet idiot du village" que l'on pourrait croire.

Plus qu'un bouffon, il participe au Conseil, y interpelle des ministres.
Ce fou est également plein de sagesse.
Ainsi quand François 1er, après le succès de Marignan, souhaite renouveler cet exploit, Triboulet lui dit : "Vous parlez tous d'entrer en Italie, mais personne ne songe au moyen d'en sortir".

Et, en effet, après la victoire de Marignan, François 1er essuiera la défaite de Pavie.
L'amiral Philippe de Chabot, proche collaborateur du roi, menace Triboulet de coups de bâton.
François 1er intervient et dit : "Ne crains rien, si quelqu'un osait porter la main sur toi, je le ferais pendre dans le quart d'heure qui suit.".
A quoi Triboulet répond : "Ah Cousin, ne pourriez-vous pas, je vous prie, le faire pendre un quart d'heure avant qu'il m'étripe".

Il est ainsi l'auteur de nombreuses réparties notoires.
Ainsi, alors qu'il risque d'être exécuté pour avoir offensé une maîtresse de François 1er, et que ce dernier lui laisse le choix de sa mort, Triboulet répond : "Bon sire, par Sainte-Nitouche et Saint-Pansard, patrons de la folie, je demande à mourir de vieillesse".

Magnanime, François 1er lui laissera la vie sauve et se contentera de le bannir.

Autre anecdote : alors que le roi et son bouffon assiste aux vêpres, l'assistance se lève dans un grand silence et l'évêque commence le Deus in adjutorium de Monteverdi repris par par les chœurs provoquant une hausse significative du son sous les voûtes de l'édifice.
Triboulet se lève alors et corrige le prélat.
Revenant vers le roi il dit : "Mon cousin, c'est celui-là qui a déclenché tout ce vacarme et troublé votre méditation".

In fine, ce comportement d'inconduite insolente et l'humour caustique de Triboulet provoqueront la lassitude du roi.

Rabelais évoque le personnage de Triboulet dans son Tiers Livre (chap. 38, 45 et 46).
Rabelais le décrit comme : "Proprement fol et totalement fol, fol fatal, de nature, céleste, jovial, mercuriel, lunatique, erratique, excentrique, éthéré et junonien, arctique, héroïque, génial...".
Nous nous arrêtons là car il y a plus de deux cents épithètes pour Triboulet.

Trois cent ans plus tard, Victor Hugo remet le fou Triboulet en avant et en scène dans son rôle de fin observateur critique et sarcastique de la société dans sa pièce "Le Roi s'amuse".
Giuseppe Verdi, sur un livret de Francesco Maria Piave, rédigé d'après cette pièce de Victor Hugo , créé le au théâtre de la Fenice à Venise.

Georges Méliès en fera également un film " François 1er et Triboulet " (95 minutes)

Servir de Triboulet :

L'expression "Servir de Triboulet" traduit donc faire le bouffon, faire rire la Cour, amuser la galerie.
Mais servir de Triboulet comporte aussi une subtile notion de le faire avec une langue agile et pas uniquement en effectuant galipettes distrayantes ou en entonnant des refrains libidineux de chansons à boire.

Jusqu’au XIVᵉ des Louis, les rois de France eurent toujours un amuseur humoriste pour leur "servir de Triboulet" puis la tradition se perdit avec l’idée républicaine, les puissants éclairés n’ayant alors plus besoin de se voir raillés pour gouverner correctement.
L’expression, cependant, perdurait dans le langage populaire.

Nombreux sont les experts qui s’accordent à dire que "servir de Triboulet" disparaît du langage le 22 mars 1983.
Ce jour là, Jean-Pierre Chevènement, ministre de la recherche et de l’industrie dans le troisième gouvernement de Pierre Mauroy déclare : « Un ministre ça ferme sa gueule. Et si ça veut l’ouvrir ça démissionne », actant que le pouvoir ne peut définitivement plus tolérer le moindre pied de nez en son cénacle.

Dans notre langage actuel, "bouffon" est même devenu une quasiment insulte.