Le roi s'amuse est un drame romantique en cinq actes et en vers de Victor Hugo. Il est représenté pour la première fois à Paris, le 22 novembre 1832 à la Comédie-Française.
Le héros principal en est le bouffon Triboulet, personnage historique sous les règnes de Louis XII et de François Ier.
Par la bouche de Triboulet, Hugo dénonce dans cette pièce la société de l'époque.
Synopsis de la pièce :
Triboulet est tout le contraire d'un héros ordinaire : c'est un bouffon de cour, difforme, un être cruel qui encourage François Ier aux pires débauches.
S'il est cruel et moqueur à la cour, il change de visage en privé.
Et pour cause : Triboulet a une fille, innocente et pure, qui l'éloigne de la noirceur du monde qu'il côtoie à la cour quotidiennement.
Le Roi persiste à s'amuser, même avec les êtres chers à ceux qui l'entourent dont la fille de Triboulet.
Triboulet, dans Le roi s'amuse est ridicule, narcissique, il veut tuer le roi.
Il est à la fois un monstre et un homme, un père, aux sentiments nobles et admirables.
Il revêt toutes les caractères et les qualités de l'anti héros.
Le choix de la mise en scène, l'installation, notamment, d'une atmosphère inquiétante, révèle la duplicité des sentiments de désespoir et de colère de Triboulet qui veut venger sa fille et l'amour paternel dont il témoigne à son endroit.
Triboulet est présenté comme un être double, tel que souligné par cette exclamation paradoxale : « Jouis, vil bouffon, dans ta fierté profonde ».
Victor Hugo donne naissance à un héros tragique, loin du héros traditionnel et qui allie en un seul personnage les deux aspects du drame romantique : le grotesque et le sublime.
Le Roi s'amuse n'est pas seulement une farce tragique qui dépeint les bassesses de l'être humain.
A travers Triboulet, c'est à la fois l'espoir de la révolte et l'impossibilité de lutter contre les grands de ce monde qui s'incarnent dans un personnage représentant donc « le grotesque et le sublime » si chers à son auteur.
Triboulet lance aux courtisans cette apostrophe :
« Vos mères aux laquais se sont prostituées : Vous êtes tous bâtards ».
Ces vers visaient, sans grande ambiguïté, la conduite, loin d'être irréprochable, de la propre mère de Louis-Philippe Marie-Adélaïde de Bourbon.
Polémique et censure :
Hugo rédige Le roi s'amuse du 3 au 21 juin 1832.
Une première lecture privée eut lieu chez lui le 30 juin 1832 et laissa les auditeurs conviés pour le moins sceptiques.
Malgré la présence au cours de la première représentation de spectateurs triés sur le volet (banquiers, hommes de salons littéraires, artistes, écrivains) et un premier acte ovationné, la pièce fut, dans son ensemble, très mal accueillie et fut, dès la première, un échec retentissant.
Elle fut même interdite dès le lendemain, tant la critique acerbe de la monarchie et de la noblesse y était perceptible.
Trois jours plus tard (26 novembre), Victor Hugo adressera la lettre suivante au rédacteur en chef du journal Le National :
« Monsieur, Je suis averti qu'une partie de la généreuse jeunesse des écoles et des ateliers a le projet de se rendre ce soir ou demain au Théâtre français pour y réclamer Le roi s'amuse et pour protester hautement contre l'acte d'arbitraire inouï dont cet ouvrage est frappé.
Je crois, Monsieur, qu'il est d'autres moyens d'arriver au châtiment de cette mesure illégale, je les emploierai.
Permettez-moi donc d'emprunter dans cette occasion l'organe de votre journal pour supplier les amis de la liberté de l'art et de la pensée de s'abstenir d'une démonstration violente qui aboutirait peut-être à l'émeute que le gouvernement cherche à se procurer depuis si longtemps. Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
Victor Hugo 26 novembre 1832 ».
Dans la préface à l'édition originale de sa pièce de 1832 (Paris, Librairie d'Eugène Renduel), Victor Hugo dénonce la censure qu'il a subie de la part de la monarchie et de la noblesse dans les termes suivants : « L'apparition de ce drame au théâtre a donné lieu à un acte ministériel inouï ».
Le lendemain de la première représentation, l'auteur reçut de Monsieur Armand-François Jouslin de la Salle, directeur de la Scène au Théâtre-Français, le billet suivant, dont il conserve précieusement l'original : « Il est dix heures et demie et je reçois à l'instant l'ordre de suspendre les représentations du Roi s'amuse.
C'est M. Taylor qui me communique cet ordre de la part du ministre.
Ce 23 novembre ».
Hugo intente un procès à la Comédie-Française : en effet, la censure ayant été abolie après la révolution de Juillet, le théâtre n'a pas à se soumettre à une interdiction illégale.
Tel est le motif de son action en justice invoqué par l'écrivain.
Le procès s'ouvre le 10 décembre 1832 devant le Tribunal de Commerce de Paris.
Il est défendu par Odilon Barrot, mais Hugo lui-même fait cette déclaration qui s'avèrera par la suite telle une intuition prophétique :
« Aujourd'hui on me fait prendre ma liberté de poète par un censeur, demain on me fera prendre ma liberté de citoyen par un gendarme ; aujourd'hui on me bannit du théâtre, demain on me bannira du pays ; aujourd'hui on me bâillonne, demain on me déportera ».
Le tribunal de Commerce de Paris se déclarera finalement incompétent et l'auteur renoncera à se pourvoir en appel devant la Cour royale.
Le roi s'amuse, pièce maudite, n'est finalement remontée qu'en 1882 pour les quatre-vingts ans d'Hugo, et, là encore, elle ne convainc absolument pas.
Le roi s'amuse : source d'inspirations :
La pièce a inspiré l'opéra Rigoletto de Giuseppe Verdi, dont le livret, rédigé par Francesco Maria Piave, suit de très près la pièce d'Hugo en transposant cependant les événements dans le duché de Mantoue pour échapper à la censure.
Le paradoxe fut que l'opéra de Verdi devint célèbre, bien qu'inspiré d'une pièce de théâtre restée, elle, décriée et quasiment inconnue.
Enfin, le réalisateur italien Mario Bonnard a porté la pièce à l'écran en 1941, avec Michel Simon dans le rôle de Triboulet.